In memoriam. Disparition de Guy Montoban, un acteur de la Communauté haïtienne de Paris !

Par Wiener Kerns Fleurimond

De part et d’autre de l’Atlantique et des quatre coins du monde, les êtres humains restent confinés afin d’échapper à la pandémie d’un virus, le Covid-19, plus connu sous le nom de Coronavirus qui n’épargne aucun pays, aucun individu. Il ne fait aucune distinction. Que vous ayez la peau noire ou blanche, que vous soyez riche ou pauvre, le confinement total demeure la meilleure, sinon, la seule solution pour échapper à ce fléau qui peut vous tuer quelques jours après vous avoir contaminé. Ainsi, de Paris à Port-au-Prince, on reste à la maison. Justement, c’est blotti chez moi le samedi 21 mars 2020 que j’ai reçu un appel de Paris du journaliste et ami Maguet Delva qui s’inquiète toujours dès qu’il n’a pas de mes nouvelles. Cela tombe bien ; moi aussi je voulais m’enquérir des nouvelles de tous mes amis à travers le monde par ce temps de grandes inquiétudes. Au bout du fil, il me rassure que tout va bien et je lui rends la politesse tout en lui remerciant d’avoir pensé à moi.

Mais, brusquement, le timbre de sa voix change. D’un ton laconique et sec il m’annonce : mon cher Fleurimond tu sais Guy Montoban est mort. Après quelques secondes, comme si j’étais en apnée, je lui répondis : quoi ? Quel Guy ? Et il répond cette fois d’un ton calme et clair : oui, Guy Montoban que tu connaissais, Guy, le militant de la Communauté haïtienne de Paris. Maguet qui est le journaliste haïtien le mieux informé de la capitale française venait, en fait, d’apprendre la nouvelle du décès le matin même de cet infatigable militant politique et communautaire qu’était Guy Montoban qu’on appelait aussi Guillot. A dire vrai, je ne voulais pas faire foi à cette terrible nouvelle par ce temps de folie où on voit partir l’un après l’autre, tous les amis, les camarades de lutte d’ici et d’ailleurs. Il fallait que la nouvelle se répande comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux pour que j’accepte cette funeste vérité. Guy (Guillot) Montoban nous a bel et bien quitté à seulement 55 ans.

Dans la région Ile-de-France et à Paris en particulier, quel haïtien ne connaissait pas Guy, ce grand gaillard à la tête de bronze, affable et souriant, un amoureux fou de football, toujours prêt à aider ses compatriotes en difficulté ? Guy était toujours sur les brèches et s’occupait à secourir ses frères et sœurs haïtiens arrivés en France dans les années 90 dépourvus de tout. De l’ambassade d’Haïti à Paris à l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), Guy était un globetrotter qui ne ménageait pas son courage, son temps et même son argent afin de permettre à ces nouveaux arrivants sur le sol français de bien s’intégrer. Etant militant engagé dans le processus de réhabilitation du nom de son pays natal en Europe, Guy ne ménagea point son courage pour collaborer avec moi dans des projets de médias et communication pour la Communauté haïtienne de France.

Certains l’ignorent, Guy était l’un des premiers avec qui j’avais discuté de la possibilité de trouver un lieu, un cadre spécifique afin d’informer nos compatriotes de ce qui se passe en Haïti après l’aventure de la Radio Mouvance et Fréquences Alizées à Paris avec Wilner Augustin et d’autres à la fin des années 80. Guy Montoban est à l’origine, avec moi en compagnie de Bernier Naissant, Adrienne Gilbert, Smith Bien-Aimé (ZiZi) et j’en passe de la création du Forum Haïti Nouvelle (FHN) à Paris ; cette association à but non lucratif qui présentait chaque dimanche au 120 rue de Charonne dans le 11e arrondissement de Paris une Conférence débat et d’information sur Haïti en faveur de nos compatriotes vers les années 90. Militant progressiste, Guillot faisait aussi partie de mon équipe à l’époque où j’étais correspondant permanent et responsable en Europe du journal Haïti Progrès. Guy était l’un des responsables de la distribution de ce journal dans la région parisienne tout comme le très connu et actif militant politique et associatif Jean-Smith Joseph, bien avant la création en 2004 du journal Haïti Tribune dont celui-ci en est l’un des cofondateurs. Ce sont des hommes de conviction, des militants qui demeureront des modèles de fidélité, de combativité et d’exemple pour la Communauté haïtienne.

Tous se souviennent que ce militant de la première heure fut de tous les combats pour la cause de la démocratie en Haïti. Guy Montoban fut l’un des premiers à répondre présent en 1991 à l’appel des leaders de la Communauté (Etzer Charles, Eliott Roy, Pasteur Numa Jean Marc, W.K. Fleurimond, etc.) pour la prise de l’ambassade d’Haïti à Paris à l’annonce du sanglant coup d’Etat militaire contre le Président Jean-Bertrand Aristide. Comme tous les héros de cet exploit inédit en France, Guy a pu tenir bon jusqu’au bout, c’est-à-dire, durant les trois longues années qu’on avait occupé la Légation haïtienne de la rue Théodule Ribot dans le 17e arrondissement de Paris. Guillot était l’un des animateurs du Comité de Soutien pour le retour du Président Jean-Bertrand Aristide en 1994. Il faisait partie des acteurs de la Communauté haïtienne de France. D’ailleurs, son nom figure en tant que tel dans mon ouvrage consacré en 2003 à cette communauté. La mort de Guy Montoban est une perte énorme et irremplaçable pour les Haïtiens de France.

Sa disparition laissera à n’en pas douter un grand vide non seulement pour sa famille, sa femme, sa fille, ses amis et ses camarades de lutte, mais aussi pour l’ensemble de la Communauté haïtienne qu’il a tant servie. Au nom de la Communauté haïtienne de France, des associations, entre autres, ATHP (Association des Taxis Haïtiens de Paris) et des journaux progressistes auxquels il a collaboré avec dévouement et désintéressement durant des années pour le respect des principes fondamentaux : liberté, démocratie et progrès, je présente toutes mes sincères condoléances à l’ensemble de sa famille si dûment éprouvée par cette disparition brutale dans cette conjoncture de Covid-19 que malheureusement, pas grand monde, sinon personne, ne pourrait lui rendre l’entier hommage qu’il mérite bien. Mon ami, mon camarade Guy, militant conséquent, je te souhaite bonne route pour ce grand voyage sans retour, sache que tous les Haïtiens de France te sont reconnaissants.

W.K.F – HaitiAujourdhui.com