Anne-Louise MésadieuEn lisant jusqu’au bout, vous allez découvrir un complot politico-médiatique, mené par certaines personnes à Paris et des journaux de connivence. Le 13 juillet 2020, le Ministère des Affaires Étrangères haïtien a rappelé de son poste à Paris, Anne-Louise Mésadieu, alors premier secrétaire à l’ambassade d’Haïti. Jusque-là rien d’anormal. C’est le train-train de la vie diplomatique normale des États souverains. Le malaise est arrivé avec le traitement médiatique qui en a été fait. Certains journaux en ligne, Juno7 en tête, ont fait mine le 29 juillet dernier, de découvrir un scandale en titrant « Quand un officiel à l’ambassade d’Haïti en France trompe la vigilance de la chancellerie. » Dans la République du copié-collé, ce ne sont pas les commissaires du nouveau code pénal qui diront le contraire, nombre de médias se sont engouffrés dans la brèche. Sans enquête, ni aucune vérification.

Élue en 2008, nommée en 2014

Vanessa Lamothe Matignon, ancienne ambassadrice d’Haïti en France, détentrice elle-même d’un passeport français, avait approché Anne-Louise Mésadieu pour lui confier les affaires culturelles à l’ambassade. Selon la jeune femme, elle recevra sa lettre de nomination en juillet 2014. Elle était déjà à l’époque une élue de la République française depuis 6 ans. Son premier mandat date de 2008. Les journaux haïtiens comme étrangers parlaient déjà de cette Haïtienne d’origine élue en France.

Vanessa Lamothe, franco-haïtienne en poste à la Francophonie

Gauche à droite. Vanessa Lamothe, ambassadrice d’Haïti, Laurent Lamothe, premier ministre d’Haïti, Patrick Nicoloso, ambassadeur de France en Haïti

Et pour cause, c’est Vanessa Lamothe, franco-haïtienne qui avait droit de signature. C’est elle qui engageait l’État haïtien. Ce n’était en aucun cas Anne-Louise Mésadieu. Pourquoi n’a-t-on jamais inquiété madame Vanessa Lamothe ? Elle, qui plus est, continue de représenter Haïti au plus haut niveau au sein de l’Organisation Internationale de la Francophonie, où elle est Conseillère Stratégique et Instances auprès du cabinet de la secrétaire générale. Il ne s’agit pas de dire que madame Lamothe est illégitime. Mais pourquoi deux poids deux mesures ? Ce qui est vrai pour l’une devrait l’être pour l’autre. Autrement c’est du népotisme.

Quelle ne fut pas la surprise de madame Mésadieu en découvrant le contenu de certains journaux en ligne. D’autant plus qu’elle avait déjà eu l’occasion de recevoir certains d’entre eux à Paris. Ils n’ont même pas eu la décence de l’appeler avant publication pour avoir sa version des faits. Cela aurait été plus déontologique voire professionnel. 

L’intéressée n’a pas manqué de leur adresser une réponse solide que vous pouvez lire ici. Oui, la chancellerie était bien au fait de la situation de madame Anne-Louise Mésadieu. Face donc aux salves des critiques soulevées par ce qui ressemble de plus en plus à une cabale, Juno7 a cru bon de publier une mise au point. 

Le travail douteux de Juno7 et d’autres journaux

Le rédacteur en chef et administrateur de Juno7, monsieur Jinaud Augustin, se présente comme juriste de formation et consultant des affaires publiques, entre autres. Courageux, il est allé fouiller dans les textes de lois et pose la question de savoir s’il est “permis par la loi et la convention de Vienne de 1961, qu’un membre d’une mission diplomatique soit un ressortissant élu du pays accréditaire ?”

La Convention de Vienne de 1961 est en faveur de Anne-Louise Mésadieu

La Convention de Vienne de 1961, est un texte de droit international qui fixe le cadre de la diplomatie. C’est un code qui régit la manière dont les États accueillent, envoient et traitent les émissaires des nations avec lesquels ils entretiennent des relations diplomatiques. 

Contrairement à ce que la mise au point de Juno7 laisse entendre, la Convention de Vienne autorise bel et bien un Etat accréditant (Haïti, par exemple) à choisir son personnel diplomatique parmi les ressortissants de l’Etat accréditaire (la France, par exemple). 

Courageux certes, mais pas téméraire du tout, le juriste et consultant des affaires publiques n’est pas allé plus loin que le premier point de l’article 8, dont il nous proposait de faire l’exégèse. Dommage, car juste après, au point deux (2), il aurait lu que “les membres du personnel diplomatique de la mission […] peuvent être choisis parmi les ressortissants de l’État accréditaire […] avec le consentement de cet État.

Oui, Haïti Aujourd’hui l’affirme, dès lors que l’État destinataire l’accepte, l’État émissaire peut placer un membre de son personnel diplomatique, issu des ressortissants du pays d’accueil. D’ailleurs le premier point de ce même article 8, qui stipule que les membres du personnel diplomatique de la mission devaient être de la nationalité de l’État accréditant, était déjà très tempéré par un “en principe”. Nous pouvons, en effet, y lire : “Les membres du personnel diplomatique de la mission auront en principe la nationalité de l’État accréditant.” Ce qui avait échappé à l’œil de notre expert. 

Conformément à la convention de Vienne, le Quai d’Orsay avait diligenté une enquête et avait donné son accord à ce que Anne-Louise Mésadieu soit choisie comme membre du personnel diplomatique haïtien en France. C’est ce qu’a déclaré l’intéressée au cours d’une interview accordée à Valéry Numa, dans l’émission “l’invité du jour”, sur les ondes de la radio Vision 2000, qui émet depuis le pays de Jean-Jacques Dessalines.

Le décret du 17 août de 1987 est en faveur de Anne-Louise Mésadieu

Juno7 évoque également le décret du 17 août de 1987 (qui n’est pas le plus récent) portant sur l’organisation du Ministère des Affaires Étrangères haïtien. Il cite l’article 26 dudit décret, n’ayant sans doute pas mieux à se mettre sous la dent, qui décrit la composition d’une mission diplomatique. Et par un raisonnement décousu et des plus scabreux, on nous explique qu’il pourrait y avoir conflits d’intérêts. Pour ce faire, ce brave monsieur ira déterrer une histoire qui date… de 1544 et 1545 ! Soit juste après le Moyen Age mesdames et messieurs ! 

Cette histoire raconte le rôle éminent qu’un secrétaire du nom de Jacopo Guidi avait joué auprès d’un ambassadeur de Florence, qui s’appelait Bernado de Medici, à la cour de France. C’est une technique bien rodée de certaines élites haïtiennes, coquines, canailles. Elles travestissent les évidences, tordent la législation et déforment la réalité pour enfoncer un peu plus le petit peuple auquel ils racontent des histoires. Elles devraient se méfier. 

C’est plutôt l’article 27 du décret qui évoque la nationalité haïtienne. Mais cet article concerne exclusivement le chef de mission. Ce que n’était pas Anne-Louise Mésadieu alors que c’était le cas de la personne qui l’avait nommée à son poste. L’expert de Juno7 l’a tellement bien compris, que dans sa bonne foi, il omet de le mentionner. C’est ce qui explique aussi son délire sur le rôle majeur des secrétaires du personnel diplomatique. 

Nous lisons : « […]Le chef de la mission, qui doit être de nationalité haïtienne, représente l’État [...] ». 

Comme on peut le voir les deux textes cités par Juno7 n’empêchent pas, qu’une Haïtienne ayant acquis une autre nationalité soit membre du personnel diplomatique, dès lors qu’elle n’est pas chef de mission. 

Toujours est-il que, si l’on devait étudier cela sous l’angle de la pyramide de Hans Kelsen que l’on appelle aussi la hiérarchie des normes, le décret tomberait devant la convention internationale de Vienne signée et ratifiée par Haïti. 

La Constitution haïtienne ne s’y oppose pas non plus !

Reste la Constitution haïtienne. Que dit-elle à ce propos ? Rien du tout. Car telle n’est pas sa vocation. Eh oui ! Même si des intervenants en ont appelé à la constitution pour dire que la nomination n’était pas légale. Il n’en est rien. 

Concernant la nationalité étrangère, quand nous lisons dans l’article 12 de la constitution amendée : « […] Aucun Haïtien ne peut faire prévaloir sa nationalité étrangère sur le territoire de la République d’Haïti. » N’est-ce pas qu’elle reconnaît qu’on peut être Haïtien tout en ayant un passeport étranger ?

Voyez-vous la mise au point de Juno7 vient montrer que l’article initial relève à coup sûr de la malhonnêteté. Une escroquerie journalistique, pour ainsi dire, venant d’une presse qui participe sans vergogne à abrutir les petites gens. 

Deux tiers des Haïtiens détenant un diplôme supérieur vivent dans la diaspora

Plus que leur argent, Haïti a besoin des connaissances et des compétences des expatriés. Ils ont étudié dans les meilleures universités du monde. Que ce soient le Canada, les États-Unis, le Brésil ou d’autres, leurs pays d’accueil ne laissent pas les meilleurs d’entre eux oisifs. Les establishments ont tort de faire la fine bouche car il faudra qu’Haïti se batte pour les ramener. 

On estime aujourd’hui que plus des deux tiers des Haïtiens détenant un diplôme supérieur vivent hors du territoire national. L’hémorragie avait débuté sous François Duvalier qui avait une phobie des personnes ayant fait des études car moins dociles et moins faciles à berner. Il avait mis en place une politique d’exil forcé par toutes sortes d’intimidations, d’arrestations arbitraires et d’assassinats. Une bonne partie des élites intellectuelles et professionnelles a fui la nation. 

De nombreux élus d’origine haïtienne en France

En France, au cours des élections municipales en juin dernier, un grand nombre d’Haïtiens d’origine ont été élus. Nous pouvons citer André (Pegguy) Basile, Jocelyn Jean-Louis, Mackendie Toupuissant, des entrepreneurs à succès. Éric Sauray, avocat, docteur en droit, enseignant à l’Université. Tous très engagés en faveur d’Haïti. Dieunor Excellent, élu maire d’une ville de près de 14 000 habitants.

Il y a également ceux qui n’ont pas choisi la voie des suffrages. Mais qui excellent tout aussi bien en faveur de leur pays d’origine. Edwin D’Haïti, Lorfils Réjouis, qui lui a été décoré de la médaille du Sénat français et avait été reçu par le président français monsieur François Hollande en son temps. La liste est loin d’être exhaustive. 

Il faut réintégrer Anne-Louise Mésadieu

L’actuel président de la République d’Haïti, monsieur Jovenel Moïse, comme d’autres avant lui, a toujours promis d’ouvrir le pays aux expatriés. Ce rappel de la chancellerie ne va pas dans le bon sens. Il faut envisager de nommer à nouveau en France Anne-Louise Mésadieu. Certains le réclament. Il y a même une pétition à cet égard sur le net. A défaut il faut expliquer pourquoi le maintien de nombreuses autres personnes ayant un passeport étranger parmi les personnels diplomatiques haïtiens en France et à travers le monde.

A suivre…  

Ricardo Matalbert – HaïtiAujourdhui.com