La crise sanitaire mondiale fait craindre le spectre d’une récession économique sans précédent.

Haïti a raté l’après-Duvalier en 1986 pour concevoir et mettre en place un plan de relance de la production nationale. Au contraire, les dirigeants haïtiens et les élites économiques ont opté pour une politique d’importation systématique de biens agricoles et industriels que le pays produisait aisément avant 1986.

Cette politique adoptée par les gouvernements qui ont succédé à Duvalier a favorisé la destruction des structures de production locale. La baisse des tarifs douaniers a provoqué une invasion du marché haïtien par les produits étrangers. L’absence de politique protectionniste en faveur des producteurs nationaux a eu pour conséquence immédiate la fermeture de certaines entreprises de production.

On peut citer à titre d’exemples : les usines sucrières (Hasco, Darbonne, Centrale Dessalines,Welf), la Minoterie (production de farine de blé), le Ciment d’Haïti (production de ciment), l’ENAOL (production d’huiles végétales) etc.

La fermeture de ces industries a entraîné la baisse de la production agricole et la perte de milliers d’emplois directs et indirects. Le pays devient dépendant de l’extérieur pour des biens essentiels qu’on pouvait produire localement. Dans la présente conjoncture où la production mondiale est en régression à cause des mesures d’arrêt de travail observé dans tous les secteurs. On doit s’attendre à des situations de pénurie de certains biens de consommation. Les pays producteurs auront tendance à satisfaire en priorité leur marché local avant les exportations. Les dirigeants haïtiens devaient constituer une structure étatique incluant des représentants du secteur productif national en vue de planifier un programme de relance de la production à court, moyen et long terme. La crise sanitaire liée au coronavirus est une opportunité offerte aux élites politiques,intellectuelles et économiques pour repenser les structures de production locale.

A court terme, l’Etat haïtien peut renforcer la production agricole par l’accès au crédit, l’encadrement technique des agriculteurs, des éleveurs et des pêcheurs en vue de réduire progressivement le volume d’importation des biens de consommation. Par exemple dans le contenu des kits alimentaires distribués à la population à titre d’accompagnement, les responsables doivent prioriser les produits locaux en vue d’inciter la croissance de la production agricole.

A moyen terme, l’Etat peut développer une politique de crédit industriel en vue d’inciter la création de nouvelles entreprises agro-industrielles pour transformer les produits agricoles. Cette politique d’industrialisation aura pour objectif d’atteindre un niveau d’auto-suffisance alimentaire en réduisant progressivement la dépendance du pays des produits importés de l’extérieur.

A long terme, la croissance de la production agricole peut aboutir à un niveau de sécurité alimentaire favorisant l’augmentation du volume d’exportation de certains produits vers le marché extérieur. En outre, la croissance de la production nationale doit s’étendre à d’autres biens de consommation. Par exemple, on peut citer entre autres : la reprise de la production du ciment à partir des gisements locaux, la production du textile destiné à la consommation locale, la production de chaussures, de sacs d’écoliers, et de tous autres produits manufacturés. Le financement du secteur artisanal et artistique pourra créer des milliers d’emplois et favoriser l’accroissement de l’exportation.

Haïti doit se préparer à faire face aux consequences socio-économiques de cette crise sanitaire mondiale.

Gary Moïse Dubosse – Haitiaujourdhui.com